Josette Audin demande au Président, un mois avant son voyage à Alger, de condamner la torture pratiquée alors par la France. (Reuters)
Son mari, arrêté en 1957, a disparu. Josette Audin demande au Président, un mois avant son voyage à Alger, de condamner la torture pratiquée alors par la France.
Le 11 juin 1957, se souvient la veuve, "nous étions couchés, il était environ 23 heures quand on a tambouriné à la porte. Ils venaient arrêter mon mari. Il a eu le temps de me dire : 'Occupe-toi des enfants !''. Maurice Audin, partisan de l’indépendance algérienne, a été torturé. Henri Alleg, arrêté lui aussi, le décrit le "visage blême et hagard" dans son livre-témoignage La Question. Un autre l’a vu, en slip, attaché sur une planche avec "des pinces reliées par des fils électriques à la magnéto, fixées à l’oreille droite et au pied gauche". Josette Audin sait cela. Mais sa lettre évoque aussi les autres Algériens, disparus anonymes de la bataille d’Alger. Elle exhorte donc François Hollande : "Comme le président de la République Jacques Chirac l’a fait pour condamner la rafle du Vél’ d’Hiv, j’espère que vous ferez aussi, au nom de la France, non pas des excuses pour des actes qui ne sont pas excusables, mais au moins une condamnation ferme de la torture et des exécutions sommaires commises par la France pendant la guerre d’Algérie."
Nicolas Sarkozy n’a jamais répondu
Le comité Audin, emmené notamment par l’historien Pierre Vidal-Naquet, a montré que l’évasion était impossible. Josette Audin a déposé plainte contre X pour homicide dès juillet 1957. Premier non-lieu en 1962, après le décret d’amnistie. La veuve dépose une autre plainte en 2001 pour séquestration et crime contre l’humanité. Nouveau non-lieu. Elle écrit à Nicolas Sarkozy en 2007. Aucune réponse. "Je ne sais pas si on connaîtra la vérité un jour, soupire Josette. Il faut le faire quand même…" Impossible d’abandonner, pour celle qui ne s’est jamais remariée, qui a élevé ses trois enfants "dans l’amour de leur père" et garde, dans son salon, les photos noir et blanc de son époux disparu à 25 ans. Difficile de faire son deuil quand le corps demeure introuvable. "Les enfants ont toujours espéré que leur papa allait revenir, jusqu’à l’indépendance de l’Algérie", témoigne-t-elle.
De nouveaux éléments sont apparus en mars dernier. Une journaliste du Nouvel Observateur a trouvé aux États-Unis, dans les archives du colonel Yves Godard, un "document inédit" désignant nommément un militaire comme probable assassin de Maurice Audin. Et maintenant? Le ministère de la Défense va répondre à Mme Audin sur ce qui relève de son domaine de compétence. Le trésorier de l’association Maurice Audin a déjà pu consulter, fin septembre, des documents conservés par le service historique de la Défense. Sans découverte fondamentale. D’où la volonté d’avoir accès à d’autres archives…
"S’arrêter là, ce n’est pas suffisant"
Pour le reste, Josette Audin approuve le fait que François Hollande ait reconnu la « sanglante répression » de la manifestation des Algériens, le 17 octobre 1961. Mais, s’inquiète-t-elle, "on a bien l’impression que c’est le maximum de ce que voulait faire le Président. S’arrêter là, ce n’est pas suffisant". Le 26 mars dernier, le candidat Hollande n’écrivait-il pas à l’association Audin afin de saluer son action "pour que la vérité soit enfin reconnue officiellement par l’État", ajoutant qu’il croyait « utile que la France présente des excuses officielles au peuple algérien"? La veuve de Maurice Audin veut garder espoir.